VOYAGE AUX CONFINS DES PÂTURES

 

DSC_8877 copie

LES PÂTURES D’ARGENTAN CE N’EST PAS SI VASTE POUR QUE L’ON PUISSE, EN TEMPS ORDINAIRES, PARLER DES LIMITES DU SITE COMME DE « CONFINS». CE TOUT AU MOINS AU SENS MYTHIQUE DE CE MOT TEL QU’IL PEUT SE TROUVER DANS L’ŒUVRE DE JULES VERNE, PAR EXEMPLE. TEL QU’ON L’ENTENDAIT AUSSI À CES ÉPOQUES, PAS SI ANCIENNES, OU LA MAIN DE L’HOMME N’AVAIT PAS ENCORE PARTOUT LAISSÉ SES CANNETTES USAGÉES.

Ainsi, l’Amazonie, le Sahara, l’Himalaya, avaient encore des «confins» quasi inconnus qui faisaient rêver… Mais en ce printemps 2020, nous ne sommes pas en des temps ordinaires, «confinement » oblige notre portée géographique a été rétrécie à la portion «configrue». Tout au long de ce « confinement », nos rêves de voyages ont du pour une durée incertaine se contenter d’explorer des « confins » accessibles dans un rayon de un kilomètre autour de notre domicile. Ceci nous ramène, in fine, à la définition pratique donnée du mot confins par le Larousse : «Parties d’un territoire situées à son extrême limite et à la frontière d’un autre ». Ainsi vu, cela fait déjà moins rêver et les Pâtures ayant des limites, ont donc bien des « confins ».

 LE SOLEIL, LE VENT ET DES RÊVES…
Lorsque je marche, solitaire, la bas tout au fond des Pâtures, là ou le sentier n’est plus que de terre et d’herbe, me reviennent ces moments estivaux de grande liberté de mon enfance. Je pouvais aller ou bon me semble, pourvu que cela ne soit «pas trop loin de la maison» et que je sois rentré pour goûter.

DSC_9248 copie 2
Aux «confins» des Pâtures d’Argentan: « là ou le sentier n’est plus que de terre et d’herbe ».

Porté souvent par mes rêveries bien plus loin que prévu, j’avais parfois bien du mal à respecter ces consignes. C’était là bas en Champagne, durant les grandes-vacances. Je partais en « exploration » avec pour seuls guides, le soleil, le vent et mes rêves inspirés par les livres de Vernes, de Defoe, de Wyss ou Mark Twain, les récits des aventures de Stanley et Livingstone, les romans sahariens de Roger Frison-Roche. Un ruisseau m’était alors un fleuve.

DSC_8752 copieAbritée par un bosquet de saules au bord de la Marne, une vieille barque devenait un vapeur ou une «Jangada» sur l’Orénoque, l’Amazone ou le Mississipi. La colline était mon Everest et le petit « Bois des Cosaques », une jungle inextricable. Une ancienne carrière pelée devenait l’Erg des Garamantes. Mon imagination se bricolait des aventures « aux confins » du monde exploré avec les moyens du bord.

 RADIEUSES PARENTHÈSES
Aujourd’hui bien sur, un vieil arbre mort entouré par des roseaux ne m’évoque plus un moai pascuan, ou une statue érigée jadis dans la jungle par une civilisation perdue.

DSC_8651 copie
Je ne me hisse plus dans les ramures des grands arbres en décidant qu’il s’agit du logis des « Robinsons Suisses » ou du séquoia de « L’École des Robinsons ». Il n’y a pas ici de barque sur l’Orne, Ce fleuve, car c’en est tout de même un, n’est même pas toujours navigable pour les canoés-kayaks. Il n’empêche… Tandis que durant cette seule heure de sortie autorisée pour « activité physique » par « le confinement », j’observe la nature revigorée par le soleil printanier, de grandes bouffées de ces vacances campagnardes et heureuses de l’enfance remontent en moi. À cette époque, je rêvais souvent qu’il ne s’agissait pas seulement de radieuses parenthèses entre deux années scolaires passées dans des HLM entourés de béton. Je rêvais que nous quittions ces maudites cités pour vivre toute l’année en pleine campagne et au bord de la mer, dans un endroit vaste et calme ou tout comme ici sur les Pâtures, la nature nettoie le regard et fait voyager l’esprit.