Balade Perturbée

L'empreinte de l'homme
Sur le bord de l’Orne, lorsque les crues font ressortir tout ce qui a été jeté dans les buissons.

Au cours d’une très courte balade sur un site de promenade aménagé au bord de l’Orne, à Argentan (61) nous avons photographié quelques dizaines de détritus flottants sur l’eau. Issus des incivilités de  promeneurs inconséquents il s’agit surtout d’emballages de boissons.

Cette série de photos a été réalisée le 18 janvier 2018, sur un parcours de 50 mètres, le long de l’Orne en crue. Je n’ai retenu que quelques images sur la centaine de détritus que j’ai ou aurais pu photographier ce jour là sur une surface assez réduite. Le lieu sur lequel nous avons rencontré cette série de «trouvailles» est une balade aménagée à Argentan le long de l’Orne. Elle part de l’impasse du Clos-Menou et conduit au hameau de La-Gravelle.

Perturbateurs endocriniens

Les emballages alimentaires sont réputés pour contenir, entre autres composants chimiques douteux, du bisphénol A. Connu pour avoir des propriétés œstrogéniques (influences sur la procréation et les hormones), on en a trouvé dans certains polymères (dont ceux composant les plastiques des biberons pour enfant) entrant dans la fabrication des emballages plastiques d’aliments, boîtes métalliques de conserve, garnitures en métal des boîtes de nourriture. Perturbateur endocrinien, interdit (en principe) pour la fabrication des contenants alimentaires depuis 2015, le bisphénol A est remplacé par des substituts, comme le bisphénol S ou le bisphénol F, considérés pourtant eux aussi comme nocifs ( Libération.fr).

DSC_9324 copie.jpg

Même en supposant que la législation soit respectée par tous les producteurs d’emballage, il n’existe aucune certitude que tous les contenants alimentaires fabriqués jusqu’en 2015 ne soient plus en contact avec la nature. Et puis, hélas, comme le montre en une de cet article, la photo de la semelle nageant parmi les débris végétaux, il n’est pas jeté dans l’environnement que des emballages pour aliments destinés aux humains.

DSC_9326 copie

Concernant les composants chimiques utilisés pour l’emballage non alimentaire ou la fabrication de matière plastique pour la production industrielle en tous genres, la législation est beaucoup plus permissive. Hors, lorsque l’on se promène un peu partout, aux abords des villes comme en pleine campagne, on peut découvrir des fragments de toutes sortes d’objets, quand il ne s’agit pas de véritables petites décharges sauvages.

Retenus pour longtemps

Les perturbateurs endocriniens (voir sources ci-dessous) sont particulièrement dangereux pour les personnes enceintes, les nourrissons, les jeunes enfants et les adolescents durant la puberté. Durant les périodes cruciales de la croissance, elles peuvent occasionner des perturbations du système hormonal et dérégler la mise en place des structures et fonctions de l’organisme. À l’heure (12 février 2018) où sont rédigées ces lignes, l’Orne a cru et décru plusieurs fois. Retenus par les buissons et les roseaux, les canettes (soda, bière) bouteilles de plastique et autres emballages de kébab photographiés lors de mon premier passage sont toujours là.

DSC_9342 copie

 

Indomptable renouée

Introduite en France pour ses qualités fourragères et esthétiques, cette plante très invasive, nuisible hors de son écosystème originel s’est répandue sur tout le territoire français. Exemple type de l’inconséquence humaine et de l’ignorance générale en matière d’écologie, elle est un fléau pour les écosystèmes et un cauchemar pour ceux qui veulent l’éliminer.

Bords de rivières, talus d’autoroute ou de voies ferrées, prairies abandonnées, clairières… Quiconque voyage et observe n’a pas manqué de remarquer un peu partout les incroyables massifs de cette envahisseuse exotique. Ne serait son caractère invasif et la difficulté de la cantonner à un lieux restreint, c’est d’ailleurs une plante assez décorative et intéressante par ses propriétés nutritives. C’est cela qui a conduit des irréfléchis plus férus d’économie que d’écologie à l’importer d’Extrême-Orient (Corée, Japon, Sibérie, îles Kouriles, Chine) à partir de 1820 (Hollande) 1840 (Bavière) et en France durant la première guerre mondiale (armée britannique) pour ses qualités fourragères et sa grande productivité.

Empoisonneuse d’existence

La Renouée «du Japon» (Polygonum cuspidatum), est une plante sauvage, dotée d’une belle vitalité. Ses grandes feuilles (environ 15 cm de longueur) lui confèrent une efficacité photosynthétique importante. En deux à trois mois les tiges peuvent atteindre une hauteur de quatre mètres. En Europe, elle se reproduit surtout grâce à ses rhizomes agressifs. Elle fournit des massifs très serrés qui occultent la lumière et empêchent la photosynthèse des plantes endémiques. Au besoin elle peut aussi empoisonner celles ci en émettant dans le sol une substance toxique pour elles. Comme en plus elle n’a dans nos régions, aucun prédateur local susceptible de limiter son expansion. La rapidité de sa propagation est telle qu’une petite implantation peut donner, en un ou deux ans, des massifs de plusieurs dizaines de mètres carrés. Là ou la renouée du Japon se développe, le reste peine à pousser.

Pas mauvaise… Chez elle

Là où elle est endémique, la renouée du Japon est limitée par ses prédateurs, dont l’homme. Celui-ci parfois même la cultive pour ses propriétés culinaires, fourragères ( feuillage, tiges) comme pour ses qualités nutritives et médicinale (rhizome, tige). Qui plus est, son élégante floraison blanche et abondante est mellifère et participe ainsi à la protection des abeilles et autres pollinisateurs.

S’en débarrasser : un travail de Sisyphe

Si l’on ne veut pas avoir recours à une chimie (désherbant) destructrice aussi pour tout le reste de l’environnement, l’unique moyen efficace de se débarrasser de ce fléau est d’extraire tous les rhizomes, de les sécher hors sol et de les incinérer. Un travail de Sisyphe, à la limite de l’impossible, car un m² de sol envahi, peut contenir plus de 100 mètres de rhizomes (environ 25 kg), lesquels peuvent s’enterrer jusqu’à trois mètres de profondeur. En cas de forte invasion cela demande aux autorités territoriales des moyens et une main d’œuvre qu’elles n’ont pas toujours à disposition. Qui plus est, même effectué avec le plus grand soin, ce travail ne garanti pas l’éradication définitive. Le moindre fragment de rhizome vivant ou même de tige oublié permet la repousse au même endroit d’un nouveau foyer d’invasion. C’est pourquoi les déchets de renouée ne peuvent pas être compostés.

Limiter les dégats

La renouée ayant besoin d’une forte photo synthèse (d’où la dimension de ses feuilles), la fauche régulière constitue une possibilité de limiter son développement. Mais, là encore, sans même compter l’élimination des déchets et le nettoyage indispensable de l’outillage de coupe et de transport, le coût en matériel et main d’œuvre est important pour les communautés territoriales.

Des chèvres et de l’ensilage

Depuis 2016, selon le quotidien Ouest France, à Pleine-Fougères, les services du Conseil départemental d’Ile et Vilaine, expérimentent l’éco-pâturage.  Une douzaine de chèvres se régalent d’une parcelle infestée de 1800 m2. Une expérience similaire, est aussi, selon le journal La Montagne, menée en Auvergne. La municipalité de Buc dans les Yvelines (78) en utilise aussi pour le parc de son château. Des essais d’éco-pâturage sont également réalisés en Lorraine, près de Pont-à-Mousson, ou des étudiants travaillent en parallèle sur la possibilité de méthanisation après ensilage des fauchages de la renouée. Serions nous en voie de… renouer avec l’intelligence? Affaire à suivre.