À LA RECHERCHE DE PLANTES SAUVAGES ENCORE FLEURIES EN CE DÉBUT D’HIVER, DEPUIS NOVEMBRE, L’ÉTAT DES LIEUX PROSPECTE LES ZONES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES SITUÉES A L’OUEST DE LA VILLE D’ARGENTAN. AINSI QUE NOUS L’AVIONS MONTRÉ LORS D’UN PRÉCÉDENT ÉPISODE CET ENDROIT RECÈLE UNE ASSEZ BELLE DIVERSITÉ VÉGÉTALE.
«Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage»… À la recherche d’un endroit convenant pour réaliser la photo d’ouverture du premier épisode* nous avons découvert le Mélilot Blanc. Nous sommes passés cent fois devant cette friche miteuse sans trop penser à chercher s’il pouvait s’y trouver quoi que ce soit d’intéressant. Hors, cette plante s’avère très peu présente ailleurs dans le reste de la zone quand ici elle foisonne. De quoi exciter notre curiosité. Mais attention certains ont l’instinct de propriété chatouilleux et apprécient peu que l’on vienne piétiner leurs terrains vagues.
PROPRIÉTÉ PRIVÉE
«Je peux savoir ce que vous faites là ?» À genou et concentré sur la prise de vue d’une inflorescence d’origan, nous n’avons pas entendu, la voiture stopper. Nous sursautons presque. « Vous le voyez, je photographie des fleurs». Incrédule, la femme, considère le reflex Nikon avec suspicion: « Vous savez que c’est une propriété privée ici ? ». La «propriété privée» en question est un no man’s land négligé depuis des lustres, ou les plantes poussent parmi des gravats près de tas d’emballages (débris de palettes, blocs de polystyrène, lambeaux de film plastique) et de résidus de déconstruction. Ceci, à deux pas de la déchetterie inter-communale où ils devraient avoir été déposés.

Il est difficile d’imaginer qu’un terrain vague ressemblant à une semi décharge, situé en bord de rue, sans clôture ni panneau explicite, puisse être un endroit «interdit». Nous le faisons remarquer à cette personne qui ne s’est d’ailleurs pas présentée avant de nous interpeller. « Mais s’il y avait des barrières, vous n’entreriez pas ? ». Effectivement, nous n’entrerions pas. « Vous n’avez pas vu les bornes ? » Elle désigne ainsi les plaquettes ovales en plastique délimitant les parcelles (voir photo d’ouverture). « Je vais vous demander de partir ». C’est la seconde fois déjà depuis que nous braquons nos objectifs sur la flore de cette zone. Quelque chose dans, ou sur, ces terrains serait-il compromettant ? Ou bien est-on seulement imbu de son statut de propriétaire? En attendant une hypothétique réponse, intéressons nous plutôt à quelques plantes dont nous n’avions pas parlé lors de la première partie de cet article.
LE MÉLILOT BLANC
Pourquoi une plante est-elle fortement présente sur un point particulier de la zone et fort peu ou pas du tout, partout ailleurs? En pleine campagne on chercherait l’explication dans la nature particulière du sol et la manière dont il est drainé, l’exposition, l’altitude. Dans cette zone, la majorité des sols sont constitués de remblais de toutes natures et provenances. En la quasi absence de végétation haute et avec l’espacement des bâtiments la luminosité sur les parcelles dégagées est assez importante tout au long de la journée et les déclivités négligeables.

Le terrain, sur lequel nous avons trouvé cette petite colonie, a longtemps servi à stocker des grumes pour une scierie fermée depuis plus d’un an. Des graines de mélilot blanc ont peut être été transportées là via les véhicules convoyant ce bois. La décomposition des déchets d’écorces et de sciage a formé un humus propice à la germination. Contrairement au Séneçon du Cap *, avec lequel il cohabite, le Mélilot fructifie comme le Genêt sous forme de cosses contenant de petites graines. L’emplacement est entouré de divers bâtiments le coupant les vents du sud, et de l’est et empêchant les autres (ouest dominant) même très forts d’emporter beaucoup de ces graines ailleurs. À maturité, la plupart tombent à quelques centimètres du spécimen qui les a produit. Dans la mesure où nous n’avons trouvé que quelques très rares pieds très isolés dans d’autres secteurs, cela peut indiquer aussi qu’il existe peu de liaisons entre cette parcelle et le reste de la zone. Les pieds de mélilots blanc rencontrés ailleurs, pouvant aussi provenir d’autres lieux. De nombreuses remorques de «déchets vert» passent sur la rue en direction de la déchetterie.
* La Flore de la Zone: https://letatdeslieux.blog/2020/11/30/__trashed-2/
LE CHARDON DES CHAMPS
Tout comme les divers séneçons et le pissenlit, le Chardon commun produit en très grande quantité des graines légères munies d’aigrettes. Le plus modeste zéphyr peut les transporter sur des kilomètres.

Une fois en place il utilise aussi son réseau de racines (rhizomes) pour générer de nouveaux pieds. Il n’a donc aucun problème pour ensemencer partout dans le secteur, de quoi faire enrager les paysagistes municipaux comme les jardiniers privés. Le spécimen dont nous montrons l’inflorescence fait partie d’une colonie poussant sur un talus paysagé bordant un parking d’hypermarché.
LA MOUTARDE DES CHAMPS
Pour les jardiniers d’ornement, c’est une mauvaise herbe, pour les cuisiniers botanistes c’est une plante comestible réputée. Membre de la famille des Bracicacées (celle des choux) elle colonise facilement les fins de chantiers, les remblais, les talus récents.

Les guides indiquent qu’elle fleurit de juin à octobre, mais nous en avons encore trouvé sur cette zone industrielle d’Argentan (61) jusqu’à la fin décembre 2020. Un exemplaire prélevé avec sa racine et un peu de terre continue même de fleurir dans notre jardin en ce début Janvier 2021
L’ACHILLÉE MILLEFEUILLE
Plante très opportuniste, l’Achillée pousse partout sur la zone, aussi bien que dans le reste de la ville, sur les pelouses par exemple. Elle est censée ne fleurir que de juin à novembre, mais en cet hiver 2020, alors que l’année se termine, ses inflorescences sont ici encore nombreuses et loin d’être flétries.

L’ Achillée millefeuille est une plante très opportuniste. Elle sait se faire rase dans les pelouse très souvent tondues. Elle s’y étend sans fleurir ou presque grâce à ses nombreux rhizomes et peut former un tapis étouffant pour le reste de la végétation. Les herboristes la ramassent avec précaution, le contact avec la sève pouvant déclencher des inflammations sur une peaux sensible lorsqu’elle est exposée à la lumière.
LA CAPSELLE BOURSE À PASTEUR
Ce nom curieux provient de la forme de ses fruits pouvant rappeler une bourse allongée. Le mot pasteur s’entend ici au sens de berger. Sur la zone ce n’est pas une plante très répandue. Cet exemplaire pousse près des clôtures du site du château d’eau. Elle est censée fleurir de mars à octobre mais nous avons photographié celle-ci à la mi- décembre 2020.

LIVRES ET LIENS
Les informations contenues dans cet article ne sortent pas de notre chapeau. Afin de compléter nos propres observations nous effectuons des recherches sur de nombreux sites en ligne et recoupons toujours à l’aide de plusieurs ouvrages imprimés.
LIVRES
300 Plantes Comestibles collection Les indispensables Delachaux, édité en 2018 par Delachaux et Niestlé, prix: 14,50 €.
Pratique et bien conçu et illustré, ce guide répertorie les 300 principales plantes sauvages comestibles d’Europe et indique la manière de les consommer et la période pour ce faire.
L’Indispensable Guide des Fleurs Sauvages «Reconnaitre 300 fleurs sauvages sans erreur», édité en 2016 par Belin. Prix 18 €
Pratique, bien documenté, facile à emporter dans une musette ou un sac à dos, ce petit guide porte bien le qualificatif d’indispensable.
Quelle est donc cette fleur? Avec 1200 planches dessinées, cet ouvrage édité chez Fernand Nathan en 1975 (réédité depuis) est une bible. Lorsqu’une plante n’est pas répertoriée dans les deux précédents, elle l’est presque à coup sur dans celui-ci. Ce même si lui aussi oublie parfois des plantes pourtant courantes et répertorie comme rares de plantes qui ne le sont pas.
SUR LE WEB ou le smartphone
Nous consultons pour chaque plante un assez grand nombre de sites. Cependant les trois ci-dessous comptent parmi ce qui se fait de plus sérieux.
Wikipédia: Ce site contributif est de plus en plus précis et difficile à prendre en défaut. Il cite ses sources imprimées ou numériques, ce qui est honnête et précieux.
Jardinage.lemonde.fr: C’est le site jardinage du quotidien Le Monde. À partir du moment où l’on a identifié la plante, la documentation est le plus souvent copieuse et précise à l’image du grand journal qui l’édite.
abiris.snv.jussieu.fr rien de tel pour recouper les informations venues d’autres sites que celui-ci. Il est édité par la prestigieuse université de la Sorbonne et décrit, photos à l’appui, une plante de la fleur à la racine. C’est précis et didactique mais il faut déjà avoir une idée de ce que l’on cherche.
PlantNet: Ce média contributif, sans être infaillible, est tout de même très efficace. Une fois l’application chargée sur le smartphone et activée, il propose de faire une photo (propre) d’une fleur, d’une feuille, d’un fruit, d’une écorce. On peut aussi lui envoyer via un ordinateur et un téléphone une image réalisée avec un autre appareil. Ensuite, il effectue une ou plusieurs propositions à comparer et à valider. Il est rare de ne pas pouvoir identifier ce que l’on a trouvé.