LA FLORE DE LA ZONE (Suite)

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À LA RECHERCHE DE PLANTES SAUVAGES ENCORE FLEURIES EN CE DÉBUT D’HIVER, DEPUIS NOVEMBRE, L’ÉTAT DES LIEUX PROSPECTE LES ZONES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES SITUÉES A L’OUEST DE LA VILLE D’ARGENTAN. AINSI QUE NOUS L’AVIONS MONTRÉ LORS D’UN PRÉCÉDENT ÉPISODE CET ENDROIT RECÈLE UNE ASSEZ BELLE DIVERSITÉ VÉGÉTALE.

«Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage»… À la recherche d’un endroit convenant pour réaliser la photo d’ouverture du premier épisode* nous avons découvert le Mélilot Blanc. Nous sommes passés cent fois devant cette friche miteuse sans trop penser à chercher s’il pouvait s’y trouver quoi que ce soit d’intéressant. Hors, cette plante s’avère très peu présente ailleurs dans le reste de la zone quand ici elle foisonne. De quoi exciter notre curiosité. Mais attention certains ont l’instinct de propriété chatouilleux et apprécient peu que l’on vienne piétiner leurs terrains vagues.

PROPRIÉTÉ PRIVÉE
«Je peux savoir ce que vous faites là ?» À genou et concentré sur la prise de vue  d’une inflorescence d’origan, nous n’avons pas entendu, la voiture stopper. Nous sursautons presque. « Vous le voyez, je photographie des fleurs». Incrédule, la femme, considère le reflex Nikon avec suspicion:  « Vous savez que c’est une propriété privée ici ? ». La «propriété privée» en question est un no man’s land négligé depuis des lustres, ou les plantes poussent parmi des gravats près de tas d’emballages (débris de palettes, blocs de polystyrène, lambeaux de film plastique) et de résidus de déconstruction. Ceci, à deux pas de la déchetterie inter-communale où ils devraient avoir été déposés. 

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Depuis la publication de cet article, le 5 janvier 2021, les déchets d’emballage ont été retirés. Les tas de gravats et de débris de couverture (tuiles etc…) sont toujours là. Il semble que cela soit la fonction première attribuée à ce terrain par son propriétaire.

Il est difficile d’imaginer qu’un terrain vague ressemblant à une semi décharge, situé en bord de rue, sans clôture ni panneau explicite, puisse être un endroit «interdit». Nous le faisons remarquer à cette personne qui ne s’est d’ailleurs pas présentée avant de nous interpeller. « Mais s’il y avait des barrières, vous n’entreriez pas ? ». Effectivement, nous n’entrerions pas. « Vous n’avez pas vu les bornes ? » Elle désigne ainsi les plaquettes ovales en plastique délimitant les parcelles (voir photo d’ouverture). « Je vais vous demander de partir ». C’est la seconde fois déjà depuis que nous braquons nos objectifs sur la flore de cette zone. Quelque chose dans, ou sur, ces terrains serait-il compromettant ? Ou bien est-on seulement imbu de son statut de propriétaire?  En attendant une hypothétique réponse, intéressons nous plutôt à quelques plantes dont nous n’avions pas parlé lors de la première partie de cet article.

LE MÉLILOT BLANC
Pourquoi une plante est-elle fortement présente sur un point particulier de la zone et fort peu ou pas du tout, partout ailleurs? En pleine campagne on chercherait l’explication dans la nature particulière du sol et la manière dont il est drainé, l’exposition,  l’altitude. Dans cette zone, la majorité des sols sont constitués de remblais de toutes natures et provenances. En la quasi absence de végétation haute et avec l’espacement des bâtiments la luminosité sur les parcelles dégagées est assez importante  tout au long de la journée et les déclivités négligeables.

Inflorescence de Mélilot Blanc
Le Mélilot blanc ou Melilotus Albus, plante de la famille des fabaceae pousse facilement sur les bords de chemins, les remblais de chemin de fer, les décombres pierreux. Mellifère, cette plante peut être utilisée pour stabiliser les sols. Comestibles, ses jeune feuilles et ses fleurs agrémentent les salades et les pâtisseries. Elle ne doit cependant être consommée qu’en petite quantité car elle contient de la coumarine, substance utilisée en pharmacie comme anticoagulant.

Le terrain, sur lequel nous avons trouvé cette petite colonie, a longtemps servi à stocker des grumes pour une scierie fermée depuis plus d’un an. Des graines de mélilot blanc ont peut être été transportées là via les véhicules convoyant ce bois. La décomposition des déchets d’écorces et de sciage a formé un humus propice à la germination. Contrairement au Séneçon du Cap *, avec lequel il cohabite, le Mélilot fructifie comme le Genêt sous forme de cosses contenant de petites graines. L’emplacement est entouré de divers bâtiments le coupant les vents du sud, et de l’est et empêchant les autres (ouest dominant) même très forts d’emporter beaucoup de ces graines ailleurs. À maturité, la plupart tombent à quelques centimètres du spécimen qui les a produit. Dans la mesure où nous n’avons trouvé que quelques très rares pieds très isolés dans d’autres secteurs, cela peut indiquer aussi qu’il existe peu de liaisons entre cette parcelle et le reste de la zone. Les pieds de mélilots blanc rencontrés ailleurs, pouvant aussi provenir d’autres lieux. De nombreuses remorques de «déchets vert» passent sur la rue en direction de la déchetterie.
* La Flore de la Zone:  https://letatdeslieux.blog/2020/11/30/__trashed-2/

LE CHARDON DES CHAMPS
Tout comme les divers séneçons et le pissenlit, le Chardon commun produit en très grande quantité des graines légères munies d’aigrettes. Le plus modeste zéphyr peut les transporter sur des kilomètres.

Chardon commun
Le Chardon des Champs ou Cirsium arvense, est une plante de la famille des astéracées. Malgré son nom vernaculaire et ses feuilles épineuses ce n’est pas un chardon mais un cirse, reconnaissable à ses tiges dépourvues d’épines. Grâce à ses rhizomes très denses, le Chardon des champs s’étend vite : un seul pied peut coloniser 1,5 m² par année. Les nombreuses et très légères graines ou akènes à aigrettes volent parfois très loin. un chardon peut en générer 4 à 5000 chaque année.

 Une fois en place il utilise aussi son réseau de racines (rhizomes) pour générer de nouveaux pieds. Il n’a donc aucun problème pour ensemencer partout dans le secteur, de quoi faire enrager les paysagistes municipaux comme les jardiniers privés. Le spécimen dont nous montrons l’inflorescence fait partie d’une colonie poussant sur un talus paysagé bordant un parking d’hypermarché.

LA MOUTARDE DES CHAMPS
Pour les jardiniers d’ornement, c’est une mauvaise herbe, pour les cuisiniers botanistes c’est une plante comestible réputée. Membre de la famille des Bracicacées (celle des choux) elle colonise facilement les fins de chantiers, les remblais, les talus récents.

Moutarde des champs
La Moutarde des champs ou Sinapis arvensis est utilisée en cuisine depuis des siècles. Selon les saisons sont consommées aussi bien sa tige, que ses fleurs ou ses feuilles. Elle est aussi appréciée des herboristes pour ses vertus dépuratives, apéritives digestives et toniques. Les graines moulues donnent une sorte de moutarde, les fleurs et les fruits (siliques vertes) aromatisent les aliments conservés dans la saumure.

Les guides indiquent qu’elle fleurit de juin à octobre, mais nous en avons encore trouvé sur cette zone industrielle d’Argentan (61) jusqu’à la fin décembre 2020. Un exemplaire prélevé avec sa racine et un peu de terre continue même de fleurir dans notre jardin en ce début Janvier 2021

L’ACHILLÉE MILLEFEUILLE
Plante très opportuniste, l’Achillée pousse partout sur la zone, aussi bien que dans le reste de la ville, sur les pelouses par exemple. Elle est censée ne fleurir que de juin à novembre, mais en cet hiver 2020, alors que l’année se termine, ses inflorescences sont ici encore nombreuses et loin d’être flétries.

Achillée millefeuille
L’Achillée millefeuille ou Achillea millefolium appartient à l’immense famille des asteracées (23 500 espèces sur la planète). Chacune des «fleurs» composant l’ombelle est en fait un capitule composé de minuscules fleurs entourées de languettes. Cueillie aux printemps les jeunes feuilles peuvent condimenter les fromages, le beurre les salades, l’huile, le vinaigre. L’achillée millefeuille est connue depuis l’antiquité pour certaines de ses propriétés médicinales. Selon la légende, le combattant grec Achille s’en serait servi pour guérir ses blessures.

L’ Achillée millefeuille est une plante très opportuniste. Elle sait se faire rase dans les pelouse très souvent tondues. Elle s’y étend sans fleurir ou presque grâce à ses nombreux rhizomes et peut former un tapis étouffant pour le reste de la végétation. Les herboristes la ramassent avec précaution, le contact avec la sève pouvant déclencher des inflammations sur une peaux sensible lorsqu’elle est exposée à la lumière.

LA CAPSELLE BOURSE À PASTEUR
Ce nom curieux provient de la forme de ses fruits pouvant rappeler une bourse allongée. Le mot pasteur s’entend ici au sens de berger. Sur la zone ce n’est pas une plante très répandue. Cet exemplaire pousse près des clôtures du site du château d’eau. Elle est censée fleurir de mars à octobre mais nous avons photographié celle-ci à la mi- décembre 2020.

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La capselle Bourse de Pasteur, ou Capsella bursus (ou bursa) Pastoris appartient à la famille des brassicacées (ou crucifères). Les jeunes feuilles et tiges se consomment comme de la roquette dont elles rappellent le goût. Choline, acéthyl-choline, flavonoïdes, histamine, tyramine, protéines, vitamines et sels minéraux lui donnent des vertus hémostatiques utilisées depuis des siècles par la pharmacopée herboriste pour stopper des hémorragies, des saignements de nez, réduire l’abondance des règles, soulager les jambes lourdes et les douleurs hémorroïdaires. Elle était aussi employée contre les diarrhées ou pour traiter la cystite en désinfectant les voies urinaires.

LIVRES ET LIENS
Les informations contenues dans cet article ne sortent pas de notre chapeau. Afin de compléter nos propres observations nous effectuons des recherches sur de nombreux sites en ligne et recoupons toujours à l’aide de plusieurs ouvrages imprimés.
LIVRES
300 Plantes Comestibles collection Les indispensables Delachaux, édité en 2018 par Delachaux et Niestlé, prix: 14,50 €.
Pratique et bien conçu et illustré, ce guide répertorie les 300 principales plantes sauvages comestibles d’Europe et indique la manière de les consommer et la période pour ce faire.
L’Indispensable Guide des Fleurs Sauvages «Reconnaitre 300 fleurs sauvages sans erreur», édité en 2016 par Belin. Prix 18 €
Pratique, bien documenté, facile à emporter dans une musette ou un sac à dos, ce petit guide porte bien le qualificatif d’indispensable.
Quelle est donc cette fleur? Avec 1200 planches dessinées, cet ouvrage édité chez Fernand Nathan en 1975 (réédité depuis) est une bible. Lorsqu’une plante n’est pas répertoriée dans les deux précédents, elle l’est presque à coup sur dans celui-ci. Ce même si lui aussi oublie parfois des plantes pourtant courantes et répertorie comme rares de plantes qui ne le sont pas.
SUR LE WEB ou le smartphone
Nous consultons pour chaque plante un assez grand nombre de sites. Cependant les trois ci-dessous comptent parmi ce qui se fait de plus sérieux.
Wikipédia: Ce site contributif est de plus en plus précis et difficile à prendre en défaut. Il cite ses sources imprimées ou numériques, ce qui est honnête et précieux.
Jardinage.lemonde.fr: C’est le site jardinage du quotidien Le Monde. À partir du moment où l’on a identifié la plante, la documentation est le plus souvent copieuse et précise à l’image du grand journal qui l’édite.
abiris.snv.jussieu.fr rien de tel pour recouper les informations venues d’autres sites que celui-ci. Il est édité par la prestigieuse université de la Sorbonne et décrit, photos à l’appui, une plante de la fleur à la racine. C’est précis et didactique mais il faut déjà avoir une idée de ce que l’on cherche.
PlantNet: Ce média contributif, sans être infaillible, est tout de même très efficace. Une fois l’application chargée sur le smartphone et activée, il propose de faire une photo (propre) d’une fleur, d’une feuille, d’un fruit, d’une écorce. On peut aussi lui envoyer via un ordinateur et un téléphone une image réalisée avec un autre appareil. Ensuite, il effectue une ou plusieurs propositions à comparer et à valider. Il est rare de ne pas pouvoir identifier ce que l’on a trouvé.

Publié par

Pascal Girardin

Journaliste (rédacteur, reporter, photographe, secrétaire de rédaction) depuis 1995 (formation à l'EMI CFD), je suis entré dans cette profession grâce à trois passions directrices: la photographie, la littérature (histoire, philosophie,sociologie,poésie,roman) et le motocyclisme. Durant toute ma carrière de journaliste, effectuée au service des lecteurs du mensuel Moto Magazine (motomag.com), j'ai traité toutes sortes de sujets, du compte rendu de manifestations motocyclistes au reportage sportif, en passant par la défense des droits des motards et le rappel de leurs devoirs, des affaires juridiques et judiciaires, l'histoire de la moto, le tourisme et les tests de machines et de matériel. Et l'environnement alors? Et bien de la pollution liée à l'ensemble de l'activité motocycliste aussi, bien que de ce côté, la presse spécialisée moto fasse un travail d'information très insuffisant et manquant de d'objectivité. Quel photographe serait celui qui serait insensible à la beauté de la nature sous toutes ses formes? Quel randonneur motocycliste ou pédestre serait celui que ne choque pas la destruction ou la pollution des sites? la désertification des campagnes? Le déclin des centres villes ? Quel journaliste serait celui qui n'est pas avant tout citoyen?

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