
À HERQUEVILLE, PETIT VILLAGE DE LA HAGUE, POINTE EXTRÊME DU NORD COTENTIN, LE CHEMIN DU VAL, ASSURE UNE LIAISON DÉPAYSANTE ENTRE LE VILLAGE ET LE SENTIER DES DOUANIERS.
Presqu’île rocheuse et ventée, tel un index pointé vers l’Angleterre, la Hague, termine le Nord Cotentin (département de la Manche). Le climat y est océanique. Même avec le réchauffement climatique, la moyenne des températures estivales (juillet-Aout) ne dépasse pas souvent les 25 °. La météorologie y change au quotidien. En fonction des marées, la pluie et la brume peuvent endeuiller la matinée, quand l’après-midi un soleil radieux illumine les roches et les bruyères, jusqu’au soir. Emporter en permanence un équipement de pluie constitue une précaution élémentaire en toutes saisons. Cependant, durant notre séjour, entre le 22 et le 28 Aout 2020 , à Herqueville, nous avons effectué de longues randonnées pédestres sans avoir à utiliser les imperméables.
HERQUEVILLE
Dominé par l’église Saint-Michel entourée d’un petit cimetière, c’est un petit village propret peuplé de seulement 153 habitants et dépourvu de tout commerce de proximité. La majorité de l’habitat y est ancien à très ancien.

Installation de l’usine de retraitement nucléaire de Jobourg (à 2 km) oblige, un lotissement de maisons récentes (années 70-80), toutes identiques, très impersonnelles et sans la moindre recherche d’intégration, contraste fortement avec le reste des maisons de pierre typiques de la Hague. La plupart, restaurées ou rénovées présentent bien. Elle voisinent parfois avec quelque bâtisse en déshérence, sinon en ruine, aux huis vides et aux jardins saturés de lierres et de ronces. Certaines de ces ruines sont des chantiers de rénovation délaissés.

RUE DU VIEUX PÊCHEUR
Le village se situe sur les hauteurs à environ 154 m d’altitude moyenne, à l’entrée d’un vallon encaissé creusé par un micro fleuve: le Ruisseau du Val. Pour descendre dans cette vallée par la «rive droite», l’on prend le Chemin du Val. Aucune indication n’est donnée dans le village. Sans être impossible, la rencontre d’un habitant, susceptible de vous renseigner, reste pour le moins hypothétique. Sinon quelque chien ou chat musardant, il est possible de passer plusieurs jours ici sans croiser âme qui vive. Tout juste apercevra-t-on un «voisin» rentrant du travail ou de virée. Une voiture s’arrête, un portail grince, un moteur ronfle puis se tait, une portière claque, le portail se referme. Ici, chacun vit derrière ses murs. Le chemin du Val, en l’absence d’un topoguide, d’un GPS ou d’une carte IGN appropriés, c’est lorsque l’on s’y trouve que l’on sait qu’on y est. Nous l’avons donc déniché au pifomètre, en suivant les rues descendantes dont la Rue-du-Vieux-Pêcheur.
ANCIENS JARDINS
Le chemin du Val descend d’abord en courbe le long du coteau puis débouche dans la vallée. Mais avant cela, il longe d’anciens jardins où la nature a repris ses droits.

À main droite, une étroite grimpette interrompt le muret. Elle conduit à une trouée dans la haie fermée par une archaïque barrière de bois grisonnant. C’est l’entrée d’un jardin privé. Cultivé en terrasse à flanc de colline, il voisine avec un verger de pêchers. Derrière le muret de gauche, quelques dizaines de mètres avant le bassin, un palmier émerge de la végétation sauvage. Quelque bonne âme a débroussaillé ses abords, nous l’offrant à voir, et lui évitant d’être étouffé.

VÉGÉTAUX EXOTIQUES
Quelques pas plus loin un pêcher, un figuier et des hortensias le disputent aux plantes sauvages grimpantes, aux ronces et aux orties. Là aussi, une main secourable a officié pour leur limiter la promiscuité. Avant d’être laissé à l’abandon,ce lieu devait être un joli jardin. Venu sur le vent ou transporté par quelque animal, un unique pourpier resplendit sur le muret.

Descendue sans doute des espaces paysagers du village où elle vit en nombre, une vipérine des Canaries sort d’entre les pierres empilées.

Dans la Hague, les hivers sont doux. Avec des moyennes de quatre à sept degrés pour le mois de janvier et pourvu de trouver des lieux ensoleillés et abrités du vent, nombre de végétaux exotiques ou endémiques de contrées plus chaudes s’acclimatent assez bien ici. Situé à quelques kilomètres d’Herqueville, le Jardin Botanique du Chateau de Vauville présente plus de 1000 plantes originaires de l’hémisphère austral.
SILLON DE VERDURE
Rongée de ronces, la ruine d’un petit bâtiment de pierre marque l’angle de cette friche. Là, le Chemin du Val rencontre un sentier perpendiculaire. Une fontaine ponctue le cours du ruisseau.

En d’autres temps, cet endroit frais et charmant servait peut-être d’abreuvoir ou de lavoir. Entouré de carreaux de schiste, le bassin est apprécié des randonneuses et des randonneurs. Beaucoup se déchaussent pour s’y baigner les pieds. Même en plein été, frileuses et frileux s’abstenir ! Tout près, une gunnera ajoute une note exotique.

Au sortir du bassin, le micro fleuve reprend à travers les herbages sa descente vers la mer. Vu du chemin qui le file à flanc de vallon, ce n’est bien souvent qu’un un sillon caché par la verdure qu’il abreuve. Lorsque l’on contemple les vallées et vallons côtiers de la Hague à partir des sommets, on n’aperçoit que très rarement l’eau, son passage est surtout marqué par la différence de végétation. Ceci est encore plus criant lorsque les lieux ne sont plus utilisés comme pâtures.
DÉPAYSEMENT
Plus le Chemin du Val s’éloigne du village, vers l’Anse des Fontenelles, plus le randonneur se sent évoluer dans quelque vallée montagnarde. L’ impression se confirme lorsque le regard se porte là haut vers les Rocs à Bruyère.

Ces rochers nus se détachent sur le ciel et terminent une pente plus que raide, couverte de grands à-plats mauves de bruyère fleurie, moirés par la course rapide des nuages devant le soleil. Tout au long de cette trop courte semaine où nous avons séjourné ici, ce dépaysement nous a envoûté lors de chacun de nos passages sur ce parcours conduisant au «Sentier des Douaniers».
LES CHEVAUX PAISSENT AU PIED DES MONTS

Lorsqu’il arrive aux Fontenelles, le val s’élargit un peu, le ruisseau traverse de petites prairies délimitées par des murets de pierres, donnant l’impression d’être quelque part en terre irlandaise. Le cours d’eau n’a pas d’estuaire. Du haut d’une falaise de 22 mètres, il descend sur la grève dans laquelle il disparaît. Au dessus de la petite «gorge» qu’il a creusé, une passerelle de bois assure la continuité du fameux Sentier des Douaniers.

C’est un endroit émouvant ou il est difficile de décider de ce que l’on voit de plus beau: la Manche sur laquelle se pourchassent les ombres des nuages, ou, en se retournant, ce val avec les chevaux paissant au pied des monts.

Ici, le sentier côtier, qui permettait jadis à la douane de surveiller la contrebande avec les Îles Anglo Normandes, part au sud vers Herquemoulin et au Nord vers l’anse des Moulinets et le Nez de Jobourg, des lieux dont nous aurons l’occasion de reparler lors de prochains articles.